Merci Uber !
Uber, - anciennement UberCab -, est une entreprise technologique américaine qui développe et exploite des applications mobiles de mise en contact d’utilisateurs avec des conducteurs réalisant des services de transport.
Côté pile, l’uberisation – néologisme inventé par Maurice Lévy un des "papes" du capitalisme publicitaire - est un phénomène, récent, dans le domaine de l’émergence de nouveaux modèles économiques, devant lequel notre bonne société des hommes, amoureuse d’innovation, a – au début – la singulière habitude de se prosterner.
Côté face, l’ubérisation est finalement l’art - direct ou indirect - de fouler au pied les droits de ceux qui prennent tous les risques et qui travaillent juste pour survivre.
Services en ligne innovants ?
Ce nouveau modèle pour faire simple, consiste à la mise à disposition de services en ligne pour permettre aux professionnels et aux clients de se mettre en contact direct, de manière quasi instantanée, grâce à l’utilisation d’internet mobile. Bref le Top !
Pour faire simple, c’est la mutualisation de la gestion de l’offre et des infrastructures informatiques, qui permet notamment :
- de réduire les coûts de revient de ce type de services,
- de réduire – encore -, la lourdeur et la longueur des formalités pour les clients,
- de réduire le nombre d’intermédiaires.
Bref que du bonheur car tout devient compétitif et facile et ce sont bien les mots le plus adorés par les temps qui courent.
Un bon Uber
Avis aux innovateurs et « start-up » en herbes, pour faire un bon « Uber » il faut agréger quatre facteurs clefs de succès :
- le haut débit (eh oui nous sommes dans une société du « tout, tout de suite »)
- l’internet mobile
- des smartphones
- la géolocalisation.
Pour bénéficier de ce type de services et de ces nouvelles libertés de choisir, il faut être tracé et géolocalisé.
C’est ce que désormais on appelle l’économie collaborative.
La nouvelle économie collaborative...
L’économie collaborative recouvre finalement deux types de modèles :
- des plateformes d’échanges de biens et de services entre particuliers sans recherche de profit : on se rend services et c’est sympa pour les usagers... mais moins pour ceux qui faisaient de la location de matériels.
- des plateformes d’offres commerciales avec échanges payants, c’est sympa aussi, sauf pour ceux qui produisent le service en étant sous-payés.
Nos sociétés modernes et les règlementations nombreuses qui les encadrent sont donc confrontées à une double nécessité antinomique :
- accompagner le dynamisme de cette nouvelle économie qui crée de la valeur ajoutée... pour ses actionnaires et pour ses utilisateurs pressés et économes probablement,
- protéger les travailleurs – les conducteurs par exemple - des comportements abusifs de ces plateformes.
… le vieux monde fixe et réglementé
Les partisans de la modernité ont vite fait de nous expliquer que les anciens modèles économiques – ceux où il y avait des personnes salariées qui échangeaient leur force de travail contre une juste rémunération – constituent un monde dépassé qui laisserait place à l’eldorado des nouveaux modéles inspirés des techniques numériques, de Uber et de ses avatars.
L’émergence de nouvelles formes de travail
Sous la poussée de ces nouveaux modèles – largement sous-tendu par le numérique – apparaissent donc de nouvelles formes de travail.
Le terme d’emploi recule et avec lui, le salariat s’efface. Auto-entreprenariat, portage salarial, contrat de travail temporaire, etc., autant de formules qui se développent dans tous les secteurs et particulièrement dans celui des services avec des conséquences pas toujours très heureuses, aussi bien pour les clients-employeurs, que pour les prestataires/indépendants/dépendants que pour les équilibres de nos systèmes de protection sociale.
Dans notre filière d’activités, le statut d’auto entrepreneur est largement utilisé et on se demande bien si ce n’est pas le seul désormais.
Pour les clients/employeurs, ce système présente l’avantage de diminuer les coûts.
Pour les prestataires/indépendants/dépendants, cette formule leur permet, théoriquement, de bénéficier d’un contact direct avec leurs clients, d’être libres de décider de leurs horaires et de combiner plusieurs activités.
Ni salariés, ni indépendants
Hélas derrière cette nouvelle économie, se cachent des chiffres et des réalités sociales et économiques bien moins brillantes :
- les travailleurs d’une plateforme juridiquement indépendants, échappent à un lien de subordination tel que le définit un contrat de travail, mais sont dépendants économiquement de la plateforme qui est au final leur seul client/employeur !
En octobre 2015, Uber a par exemple, annoncé une baisse de 20% de ses tarifs à Paris... sans consulter préalablement "ses chauffeurs".
- les auto-entrepreneurs, prestataires de services, également indépendants n’ont aucune garantie de ressources stables ce qui naturellement les cantonnent dans une précarité qui alimente les défections nombreuses.
Epilogue
Ces travailleurs sont donc frappés par une double peine :
- n’étant pas salariés, ils ne peuvent prétendre à la protection juridique qu’offre le code du travail ;
- n’étant pas réellement indépendants, ils ne bénéficient pas de la protection économique que donne la multiplicité des donneurs d’ordre.
Bref, les réalités et les mots appraissent dans toute leur violence, comme au siècle dernier, ils sont des "tâcherons".
Le Conseil national du numérique (CNNum) souhaite favoriser le développement de l’économie collaborative mais se prononce aussi, en faveur d’une plus grande protection des travailleurs des plateformes en imaginant de nouveaux cadres réglementaires ou machines à gaz !
Nous sommes très circonspects sur les solutions envisagées et nous suivons ces débats ! Des solutions existent déjà ! Il suffit de faire du salariat une grande cause nationale.
Cette « ubérisation » si elle doit se développer, porte en elle de nombreux dangers « sociétaux » :
- le développement de la précarité qui n’offre jamais aucune espérance, mais porte de la colère,
- l’incapacité de franges entières de travailleurs indépendants précarisées à se structurer dans des mouvements « pacifiques » et responsables (des syndicats ?),
- le développement "encouragé" ? par des cadres réglementaires imbéciles et incontrôlables de l’irresponsabilité des donneurs d’ordre et des plateformes,
- l’incapacité des pouvoirs publics à élaborer un nouveau contrat social dans un contexte de désordre.